Pourquoi démonter la lame de Schmidt ?
Pour nettoyer la lame par immersion dans un nettoyant, parce que le support de votre miroir secondaire a tourné en dévissant la bague fastar et vous avez du coup perdu son appairage, parce que vous avez besoin de démonter le miroir primaire pour tenter de corriger un aberration optique (pentafoil, astigmatisme..), parce que vous voulez changer votre tube alu par un tube carbone, parce que vous voulez coller un velours noir à l’intérieur du tube pour augmenter le contraste… les raison sont nombreuses. Néanmoins soyez averti que l’opération n’est pas triviale, qu’il est facile de toucher l’optique par erreur et d’y laisser une trace de doigt, une rayure, ou d’introduire quelques poussières. Il vous appartiendra donc d’être méticuleux, perfectionniste, patient, et maniaque avec la poussière.
Comment tout a commencé pour moi…
Comme mon C8 est un fastar, je me suis dit que j’allais m’essayer a enlever le secondaire en dévissant la bague fastar histoire de vérifier le centrage du secondaire au laser selon la méthode de la mire en plexiglass. Sauf que… la bague fastar était grippée et ne voulait pas bouger. J’ai insisté un peu, et du coup, c’est tout le secondaire et son support qui ont tourné d’environ 30° dans la lame de schmidt. Après enquête, le support secondaire devrait être lié à la lame de schmidt par quelques points de colle et ne devrait pas tourner dans le trou central. Mais avec Celestron tout semble possible…
Ceci est un vrai problème car le secondaire est appairé avec la lame de schmidt et le primaire. Celui-ci devait donc retrouver son réglage d’usine pour disposer d’une qualité optique optimale (si tant est qu’ils ne se sont pas plantés en usine : un test de Ciel & Espace sur le celestron 9.25 a déterminé que l’alignement de leur lame en usine n’était pas le meilleur possible, mais ça on ne peut le voir qu’à l’interféromètre).
Préparation et accessoires
Afin de rester concentré, de ne pas se salir les mains et de ne pas se retrouver bloqué lors d’une étape, il est souhaitable de bien anticiper le matériel nécessaire à l’opération.
J’ai opté pour les accessoires suivants :
- Tournevis cruciforme fin (pour les vis du flasque)
- Crayon à papier (pour les marques sur le tube)
- Marqueurs indélebiles fins (pour les marques sur la lame)
- 2 peaux synthétiques neuves (genre peau de chamois, pour protéger la lame, dispo au rayon auto de votre supermaché)
- Cales (boites, livres…) permettant le maintient du tube vertical durant les opérations sur la lame
- Laser de collimation
- Emballage plastique rigide et transparent pour le découper et fabriquer la mire plexiglass
- Du dégripant WD-40 + cottons tiges pour lubrifier le filet de la bague fastar
- 1 carte de visite ou fiche bristol + 1 tube de colle UHU stick (pour fabriquer des cales en cas de besoin)
- 1 lingette microfibre neuve trouvée chez votre opticien
- 1 flacon de nettoyant optique trouvé chez votre opticien, ou mieux du purosol ou Wonder Fluid Baader.
- 1 compas sur lequel vous pouvez fixer un marqueur indélébile fin (destiné à tracer un cercle sur le plexi ou sur une peau synthétique)
- 1 tube de super glue (pour coller le support secondaire à la lame)
- 1 règle en plastique de 20 ou 30cm (en plastique pour éviter de rayer quoi que ce soit)
- 1 récipient pour les vis
- 1 récipient avec couvercle pour stocker le secondaire
- Papier + Stylo pour prendre des notes
- Appareil photo pour mémoriser une image avant une étape critique
- Ajax + sopalin pour nettoyer votre plan de travail avant l’opération
- 1 lampe frontale pour mieux y voir et garder les 2 mains libres (surtout le soir)
- 1 pièce bien éclairée
- 1 pinceau optique
- 1 poire à dépoussiérer
Quelques recommandations utiles :
Prévoyez d’avoir du temps devant vous et pas de visiteurs autour qui pourraient vous déconcentrer et vouloir tripoter les pièces : l’opération dure environ 4 heures.
Je conseille de passer un coup d’aspirateur dans la pièce quelques heures avant, puis de passer un coup de serpillière pour plaquer la poussière au sol. Il sera plus approprié de procéder vitres fermées pour une atmosphère stable ou les poussières se déplacent moins.
Il est préférable de procéder de jour, ou dans une pièce très bien éclairée. Ca aide beaucoup pour bien y voir, notamment si vous nettoyez votre lame.
Un petit coup d’alcool ménager ou de nettoyant pour les vitres sur votre plan de travail vous permettra d’avoir un plan propre et dégraissé.
Enfin lavez-vous les mains au liquide vaisselle pour les dégraisser également (et n’hésitez par à le refaire plusieurs fois durant l’opération). Evitez également si possible de toucher votre visage et vos cheveux qui sont très gras par nature.
On se lance …
Tout est prêt, vous voilà fébrile et le coeur vaillant prêt à vous lancer dans l’opération. Mais pas trop vite. Je vous propose d’abord de dépoussiérer la lame de Schmidt : c’est autant de poussière en moins susceptible de tomber dans le C8 ou de venir rayer la lame au cours d’une manipulation. Jouez donc de la poire et du pinceau pour débarrasser la lame de sa poussière.
Une fois la lame dépoussiérée, on relève le C8 en le calant le mieux possible avec des cales adaptées qu’on aura fabriqué précédemment, ou ce qui tombe sous la main : ici une boite d’oculaire de collimation et de renvoi coudé font l’affaire : c’est un peu souple, mais ça tient ce qu’il faut.
Orientez le tube de manière à ce que la position de la queue d’arronde soit contre vous. Ce référentiel nous permettra de nous repérer en angles labellés en heures : 0 ou 12h = le coté du tube à l’opposé de votre position. 3h = coté droit du tube. 6h = position de la queue d’arronde / coté du tube face à vous. 9h = coté gauche du tube.
On passe au dévissage du flasque en plastique qui maintient la lame. A ce stade, mémorisez bien l’intensité du vissage d’origine : il vous faudra appliquer exactement le même niveau de contrainte lors du revissage. En effet, un vissage trop fort risquerai de contraindre la lame et de provoquer des aberrations optiques.
On retire le flasque avec douceur. Il est susceptible de se bloquer sur les tetons de fixation du cache de protection de la lame, mais comme le flasque est souple, une légère pression de la main permet de le déformer et de contourner les tétons.
On découvre alors les fameuses cales autour de la lame :
La lame est donc fixée avec 4 cales. Dans mon cas, 3 cales plates en liège dont 1 noircie sur le coté (celle à 9h), et 1 cale en papier à 3h. Notez la présence du numéro de série de la lame lui aussi placé à 3h normalement :
D’après la forme et le matériau de la cale en papier blanc, j’en déduis que celle-ci est celle qui a été ajoutée en dernier (elle semble plus épaisse en haut qu’a la base et le papier provoque moins de friction que le liège). On retirera celle-ci en premier, mais pas trop vite ! Il faut d’abord procéder aux repérages…
Note sur le rôle des cales : les cales ont pour objet de positionner la lame de Schmidt par rapport au miroir primaire de manière à ce que l’aberration de sphéricité de celui-ci soit la mieux corrigée. Ce centrage est effectué en usine, vraisemblablement à l’aide d’un interféromètre, outil dont nous amateurs ne disposons pas, aussi gardons nous de modifier ce réglage.
Une fois le repérage bien effectué, on va pouvoir retirer la lame. A ce stade, il est préférable de coucher délicatement le tube (en maintenant la lame car plus aucune vis ne la maintient !) afin d’éviter que les cales ne tombent au fond du tube lors du retrait de la lame.
On retire la cale blanche :
Puis vous pouvez retirer la lame en tirant sur le support du secondaire. Elle tient par une légère friction. Essayez de décoller le coté d’ou vous avez enlevé la première cale.
On met la lame en position parking, le temps d’inspecter la position des cales (les miennes sont restées collées au tube par la force de l’habitude, mais dans l’absolu rien ne les maintient) :
Vous pouvez laisser le tube du C8 tel quel et y placer le cache de la lame de Schmidt pour éviter que la poussière n’y rentre. Si vous ne déplacez pas le tube et que les cales sont restées collées, vous pouvez les laisser en place. Sinon vous pouvez aussi les retirer en prenant soin d’écrire leur numéro dessus pour les identifier.
Vous pouvez maintenant procéder à l’opération désirée : nettoyage de la lame, ou dans mon cas, dégrippage de la bague du fastar et réorientation du support du secondaire.
Pour le remontage, on procédera à la même opération en ordre inverse, en contrôlant éventuellement le centrage du secondaire au laser (voir plus loin…).
Dégrippage de la bague fastar
Maintenant qu’on a accès au support du secondaire des 2 cotés de la lame, on peut tenter de dévisser la bague fastar avec une main de chaque coté. Celle-ci est venue assez facilement pour moi :
La bague dévissée, le miroir secondaire peut maintenant être retiré du support fastar. Notez la marque d’alignement sur la tranche du miroir en alignement avec le détrompeur du support fastar (qui lui même doit normalement être aligné avec une marque à l’intérieur du perçage de la lame , qui elle même doit être alignée avec la croix repère du numéro de série : donc tous ces marqueurs du même coté et sur la même ligne à 3h).
Puis après l’avoir observé (il est mimi ce petit miroir…) et éventuellement dépoussiéré (juste à la poire, ne pas frotter à sec, même avec une lingette microfibre …) réservez le miroir secondaire à l’abri de la poussière.
Dans mon cas il faut maintenant réaligner le support du miroir secondaire sur la lame. D’après mes informations, celui-ci est vissé sur le baffle. Je tente un démontage de la même manière que pour la bague fastar. Mais maintenant, la préhension coté bague fastar est bien moins bonne à cause de la taille inférieure sans la bague et de la présence du filetage. Damned, rien ne bouge …
En y regardant de plus près, il y a 2 points de colle blanche coté baffle. Je les gratte.
Je retente l’opération, ça ne marche toujours pas. Il me faut un outil. Après 2 semaines de réflexion, j’arrive finalement à la solution suivante : un cylindre de diamètre égal au diamètre intérieur du support fastar, et une vis d’arret, le tout solidement fixé à une lourde planche de récupération en mélaminé blanc, facile à nettoyer à l’alcool juste avant l’opération.
Ensuite on insère le support fastar sur l’outil :
Et puis il n’y a plus qu’a tourner en tenant le baffle. Grâce à cet outil, la préhension devient très efficace et le support du secondaire se dévisse facilement, sans qu’on ai l’impression de forcer.
Enfin j’ai ajouté des cales en papier bristol et des points de colle pour solidariser définitivement la lame et le support Fastar. J’ai utilisé une colle spéciale verre qui a l’avantage de bien adhérer et de ne pas faire d’auréoles. J’ai appris plus tard qu’une colle trop forte risquait de créer des contraintes sur l’optique, aussi si vous procédez à la manipulation il est préférable d’utiliser une colle souple type silicone ou néoprène. Visuellement, je n’ai personnellement pas constaté de dégradation de la qualité d’image avec ma colle, mais pour en être sûr il aurait fallu pouvoir mesurer. Je pense toutefois que le joint en bakélite et les cales en bristol modèrent la rigidité de ma colle.
Note importante : attention à la quantité de colle appliquée ! Un dépôt trop important pourrait déborder sur le verre lorsque vous resserrerez le baffle sur la lame, si vous procédez à cette opération avant séchage (ce qui me semble la meilleure option pour créer le moins de contraintes possibles).
J’ai également procédé a un graissage du filet de ma bague fastar avec du dégripant WD-40 et un coton tige (ne pas projeter le dégrippant directement depuis la bombe, le jet est trop puissant et vous êtes sûr d’en mettre partout), puis à un serrage modéré de celle-ci. Apparemment le grippage survient souvent quand ces bagues sont un peu trop serrées.
On a affaire ici à un gros problème de conception de la part de Celestron. Il parait que le kit de conversion Hyperstar de starizona propose, lui, une bague de liaison en caoutchouc qui assurerait une friction suffisante pour éviter la rotation.
Réglage du tilt du porte oculaire
Dans une optique bien alignée, tous les axes sont concentriques. Sur un newton c’est assez facile à constater grâce à la présence des pattes de l’araignée qui donnent un repère visuel. Sur un Schmidt Cassegrain, vous n’avez pas ce genre de repères.
Aussi pour ce faire, j’utilise la méthode de projection du laser sur une mire en plastique transparent qui vient prendre la place du secondaire. Ceci n’est possible que sur un Schmidt Cassegrain équipé d’un support fastar, qui permet le remplacement du secondaire.
Je trace donc un cercle de 64mm de diamètre (diamètre intérieur mesuré sur ma bague fastar du C8) sur un emballage en plastique transparent à la fois rigide et suffisamment fin pour être découpé au ciseau.
Puis je m’applique en tirant la langue pour faire le découpage le plus précis et le plus régulier de toute ma vie :
Enfin je l’insère dans la bague fastar. La mire étant poussée au fond, il y a un jeu de 1mm : inacceptable. Je recule la mire et la fait rentrer dans le filet : elle se cale bien. Très important : je mesure alors la position du centre de ma mire par rapport au bord de la bague fastar. Il est légèrement décalé. J’ajuste ma marque qui est maintenant bien au centre de son support.
Je visse alors la bague fastar sur la lame remontée (mais non revissée, il faudra peut-être ajuster les cales…), et je lance une vérification au laser. Notez a ce stade que le laser doit être placé dans un porte oculaire digne de ce nom (PAS l’infâme visual back Celestron et son jeu de 1mm). Pour vérifier que le porte oculaire est valable, tournez votre laser. Si le point d’impact n’est pas stable alors vous devriez oublier l’espoir d’ajuster votre optique avec et préférer ne toucher à rien tant que vous n’êtes pas sûr de disposer d’un bon porte oculaire et d’un bon laser. Dans mon cas donc avec un porte oculaire Baader click lock et un adaptateur 31,75 william optics, le laser est stable. Et il ne tombe pas au centre …
J’équipe maintenant le tube d’un porte oculaire collimatable sur l’assiette comme les produits moonlite, ou alors un correcteur de tilt. Je règle le tilt (assiette) de mon porte oculaire jusqu’à ce que le laser coïncide avec le centre de la mire.
Je remonte le tout. Je collimate sur étoile, je vise la lune et un amas d’étoile : je dispose maintenant d’une mise au point homogène sur tout le champ, la forte coma que j’observais en bas à droite de mon champ a disparu, c’est gagné ! L’image est plus piquée aussi. Ca s’annonce bien …